Photographie 1 : Détail d'une carte postale de vers 1904, représentant sans doute une midinette avec son carton de magasin s'étant faite arroser par un jardinier. Celui-ci est sermonné par un gommeux : « Un jeune gommeux, Peut-être amoureux, S'approcha pour blâmer le jardinier honteux. » © Photographie LM. Au sujet des gommeux cliquer ici.
Photographie 2 : Détail d'une carte postale d’avant 1904 d'une série représentant une midinette ayant une anicroche avec un cireur de chaussures devant le Panthéon (dessiné sur toile) : « UNE MIDINETTE 1 – Lui – C'est ce joli petit péton-là... qui va gagner la course des Midinettes ?... » © Photographie LM.
Photographie 3 : Carte postale intitulée « Petite midinette ». © Photographie LM.
Cet article fait suite à celui sur Les grisettes, les cousettes et les trottins. Au XIXe siècle on donne à celles-ci de nombreux autres noms, car Paris qui s'agrandit énormément compte un nombre très important de ces ouvrières dont beaucoup travaillent dans la mode. Aujourd'hui les petites mains de la mode et du luxe ont presque disparu en France. Il ne reste que des artisans. Alors qu’avant les années cinquante la MIDINETTE et le trottin égayent les rues parisiennes de leur beauté simple mais élégante. Ces grisettes disparaissent avec le prêt-à-porter et la fin du sur-mesure (voir article intitulé Le tailleur).
Le nom de 'midinette' est utilisé à la fin du XIXe et au XXe pour désigner les jeunes filles travaillant dans la mode. Elles sont souvent représentées dans les premières cartes-postales. Avant elles il y a donc les grisettes, cousettes et trottins (et pendant pour celles-ci) et puis les femmes du quartier, les mimis, les mimi-pinsons, les pré-catélanières, et les musardines, musettes et noceuses qui sont des habituées des lieux dansant peu mondains et dont je parlerai dans l'article sur les lorettes. Les grisettes parisiennes sont en effet assez libres. Elles n’hésitent pas à draguer, sortir, avoir une ribambelle de jeunes hommes autour d'elles … La FEMME DU QUARTIER est une « Grisette qui a la spécialité de l’étudiant et qui se garderait bien de frayer avec les bourgeois ou les militaires de peur de déplaire à Paul de Kock. On dit aussi Femme de l’autre côté (sous-entendu) de la Seine. » (Delvau, Alfred, Dictionnaire de la langue verte, deuxième édition, Paris, E. Dentu, 1867). Quant à la MIMI-PINSON, c'est un personnage d'un poème d'Alfred de Musset (1810-1857) intitulé Mimi Pinson, profil de grisette repris dans d'autres oeuvres et s'inspirant d'un genre de grisette que l'on appelle ainsi depuis.
Photographies : Page de couverture de la revue Femina du 1er Décembre 1903 (n°69) contenant un article sur « La Sainte-Catherine ». © Photographies LM. Voici des passages du texte : « Tous les ans au 25 Novembre, la Sainte-Catherine, qui est la fête de toutes les jeunes filles, est célébrée avec une solennité particulière dans les ateliers parisiens où les « Midinettes » la préparent avec un soin religieux. Il est donc naturel que nous invitions aujourd’hui nos lectrices à une promenade dans un atelier un jour de Sainte-Catherine. […] Passons à la fête – nuancée cette fois de quelque mélancolie – des petites ouvrières parisiennes. Ce sont les couturières qui la célèbrent avec le plus d’entrain, puis les modistes. Chez les fleuristes et les plumassières la tradition se perd, peut-être parce qu’elles n’ont pas sous la main tous les éléments du fameux bonnet. Ah ! ce bonnet ! qui pourra jamais dire combien de talent et d’ingéniosité sont dépensés pour la confection de cet extravagant et anachronique couvre-chef. On y passe des nuits, on y dépense des sommes folles – jusqu’à dix francs ! – les ateliers rivalisent pour ce chef-d’œuvre que la propriétaire, après ce jour de plaisir mélangé de tristesse, serrera comme une relique dans son armoire… Donc le bonnet est prêt. La midinette – non mariée, ne l’oublions pas – qui compte vingt-cinq printemps révolus est désignée. Il ne s’agit plus que de réunir les fonds pour faire une modeste bombance et payer aussi les frais du bonnet. On se cotise d’abord, puis en chœur on vient ensuite « taper » la patronne, c’est-à-dire solliciter d’elle sa cotisation, laquelle couvre en général, la moitié des frais. Ou bien on a recours, pour arrondir la somme, à la bourse de particuliers renommés pour leur générosité et qui ne se font jamais prier, comme ceci arriva l’an dernier au comte d’Haussonville, membre de l’Académie Française. Voici la description du bonnet classique : il est en forme de béguin et en mousseline de soie ; il porte deux nœuds jaunes et deux bouffants de chrysanthèmes jaunes ; il est orné à profusion de rubans jaunes, de symboliques fleurs d’oranger et muni d’une gigantesque épingle au motif plus ou moins biscornu. Après un déjeuner où, selon les moyens, le vin blanc cacheté, le cidre mousseux, le saumur pétillant, l’extra-dry, coulent à flot, on fait appel à l’art ( !) de musiciens ambulants. Des bals s’organisent dans l’atelier soigneusement débarrassé. Enfin, une des ouvrières offre le bonnet à celle de ses camarades qui remplit les conditions traditionnelles. A cinq heures, sortie en pompe, dans la curiosité des badauds amassés. Ensuite, dîner, sous la présidence de la patronne, invitée. S’il reste quelques francs on va au théâtre afin de clôturer dignement cette journée mémorable. Grâce à l’initiative de M. Gustave Charpentier, l’auteur de Louise, et de nombreuses personnalités parisiennes, l’accès de certains établissements est gratuit. Et voilà comment, chaque année, on célèbre la Sainte-Catherine, patronne des jeunes et des vieilles filles. Ne cherchons pas ce qu’il peut y avoir de tristesses inavouées, d’illusions flétries sous tant de gaité … Il n’y a qu’à Paris que l’on puisse ainsi refouler une grosse larme dans un sourire … »
© Article LM