Photographie du dessus : Frontispice de Les Fleurs de : Opuscules de M. Le Chevalier De Parny, seconde partie, quatrième édition (Londres, Chez Manoury, 1787).
Photographies du dessous : Première fleur d'une variété de géranium sauvage qui fleurit normalement à partir du mois de mai..
Chaque mois, chaque semaine, chaque jour, chaque heure, chaque moment dans la nature est un concert nouveau, une peinture différente. Il est sans doute important de se rappeler la terre sur laquelle nous marchons, et qui nous porte, et son rythme, ainsi que celui de l'univers.
Photographie du dessus : Variété d'euphorbe. Cette plante toxique est toute verte : et sa forme jouant avec l'ombre et la lumière offre de nombreuses nuances de cette couleur.
Photographie de gauche : Jacinthe des bois.
Photographie de droite : Variété de stellaire.
En ce mois d'avril où la nature nous offre des dégradés infinis de vert, on rencontre dans les bois de la région parisienne des parterres d’anémones Sylvie aux fleurs blanches et de jacinthes bleues-violettes (rarement blanches). Dans certains endroits ce sont des hectares de nappes de fleurs couleurs de draps ou de ciel, couvrant le sol d'où surgissent des arbres chatouillant de leurs rameaux aux tons verts tendres le ciel qui éclaire ces étendues en larges faisceaux de lumières mouvant au rythme de la rotation terrestre … ; cela donne une impression féerique. Lors d'une même promenade au milieu des bois on peut passer de tableaux d'anémones Sylvie à d'autres de jacinthes. Les premières annoncent le printemps et disparaissent très tôt, de même que par exemple les primevères autre fleur emblématique de ce mois parmi beaucoup d'autres.
Ailleurs on trouve les fleurs bleues de la véronique qui aime le soleil, du lierre terrestre, de la petite pervenche, de la pulmonaire, de la violette (non odorante). Il y la blancheur des fleurs de l'aubépine, du muguet, de la pâquerette, du lamier blanc, de l'alliaire officinale, de la stellaire ; le jaune du pissenlit, du genêt ; le vert des euphorbes ; le rouge du lamier pourpre… toutes et d'autres fleurissant en avril.
Photographie de gauche : Véronique peut-être la véronique petit-chêne.
Photographie de droite : Sceau de Salomon.
S’il fait beau, il est agréable de poser un vêtement sur le sol en pleine forêt ou sur une pierre plate couverte de mousse, dans un endroit tranquille, et de s'allonger en regardant le ciel. Il n’y a pas encore trop d’insectes et rien ne peut perturber cette douce méditation. En se concentrant, on entend quelques oiseaux se répondre au loin et emporter sur leurs ailes notre âme.
Les fleurs de cerisiers couleur de drap froissé ajoutent à la lumière du ciel la pureté de leur nacre, avant de rougir en mille fruits juteux comme une langue aimée que l’on baise.
Les boutons d’or apparaissent comme leur nom, s’élançant dans l’azur au dessus des autres herbes telles sonnant d’une trompette la conquête du ciel et des abeilles. Plusieurs autres fleurs de cette famille (les renoncules) se sont épanouies durant l’hiver, la plupart avec des tons jaunes semblables : eranthe, populage des marais, renoncule bulbeuse, ficaire.
Photographie de gauche : Renoncule, peut-être le bouton d'or.
Le myosotis des bois et le myosotis des champs fleurissent en avril.
Photographie de droite : Myosotis.
Lorsqu’il pleut, on peut voir des gouttes suspendues sur le sommet d’herbes. Il arrive même qu’une feuille tienne en équilibre ainsi.
Le gaillet croiset a des fleurs à l’odeur de miel. Comme la luzerne lupuline il a de petites fleurs jaunes.
Les muguets, primevères et narcisses, qui ne durent à peu près que ce mois et se cueillent dans les bois, font de beaux bouquets.
Avril c'est aussi le mois où poussent de nombreuses plantes aux odeurs et goûts revigorants et si spécifiques … tellement que ces herbes qui caressent nos pieds ont des saveurs qui peuvent nous paraître parfaitement étranges aujourd'hui, si nous ne sommes pas habitués à reconnaître la terre et à l'aimer ! Évidemment le mois d'avril n'est pas celui de mai ; et il faut pendre garde à ne pas trop vite s'emballer pour la douce saison. Certaines fleurs comme celles des jeunes rosiers offrent déjà leur bouton ; mais comme la fleur de la planète du Petit Prince de Saint-Exupéry ces roses mettent tellement de temps à se préparer !
Photographie du dessous : Lierre terrestre.
« ACTE II – SCENE PREMIERE. Un bois près d’Athènes. Il fait nuit. La lune brille. Une FEE entre par une porte et PUCK par une autre.[…] Les primevères […]. Vous voyez des taches sur leurs robes d’or : ce sont les rubis, les bijoux de la fée, taches de rousseur d’où s’exhale leur senteur. Il faut maintenant que j’aille chercher des gouttes de rosée, pour suspendre une perle à chaque oreille d’ours. » Shakespeare, Le songe d’une nuit d’été.
Photographie de gauche : Primevère officinale.
Les fleurs et les feuilles de primevère officinale (primula veris L.) font de bonnes tisanes calmantes, notamment contre la toux et les refroidissements. Elles se cueillent d’avril à mai. La primevère auricule et la primevère farineuse rouge qui croissent dans les montagnes (toutes deux apparentées à la primevère jaune) sont vénéneuses. Le thé aux pâquerettes et fleurs de primevère officinale aurait un effet légèrement hypnotique en cas d’insomnies légères. En avril, on peut découvrir particulièrement trois sortes de primevères fleuries : la primevère acaule, la primevère élevée et la primevère officinale, toutes deux étant officinales. « Vous rappelez-vous le bois où souvent, vous et moi, nous aimions à nous coucher sur un lit de molles primevères, en vidant le doux secret de nos cœurs. » écrit Shakespeare dans Le songe d’une nuit d’été, acte I, scène première.
Photographie de droite : Aubépine.
Les fleurs en bouton du prunellier (Prunus spinosa L.) se récoltent au printemps. Leur infusion est un laxatif doux recommandée pour combattre les peaux impures chez les enfants et pour tonifier l’estomac. On en fait aussi une cure de printemps. Les fleurs du prunellier naissent avec les premiers jours du printemps, avant même celles de l’aubépine. Les fleurs et les fruits de cet arbuste sont toniques. Il suffit de regarder un rameau fleuri pour se laver des stigmates de l’hiver. La fleur est parfaitement ouverte. Les pétales sont blancs et écartés pour faire jaillir les étamines et leurs bouts dorés alors que celui central du pistil est de couleur soleil.
Les fleurs et feuilles de la violette odorante se cueillent de mars à avril. L'infusion des fleurs est utile en cas de toux, engorgements, bronchite, rhume, fièvre, en gargarismes contre les inflammations des muqueuses buccales. Un sirop pectoral pour les enfants se prépare en faisant bouillir brièvement 100 à 200 g de fleurs dans un litre d’eau. Laisser infuser 10 minutes et filtrer. Faire ensuite dissoudre 1kg de sucre de canne biologique non raffiné dans ce liquide. Le sirop sera légèrement coloré de violet.
Photographie du dessous : Violettes et pissenlits.
Le printemps est le temps de ramassage de nombreux bourgeons, écorces, sucs, sèves, latex, lupulins, racines, rhizomes, tiges, feuilles, sommités fleuries, fleurs, de quelques fruits et de certaines plantes entières. Ce dont je parle est une infime partie des possibilités.
On peut confectionner de multiples salades aux effets dépuratifs ou des infusions ou décoctions à prendre sur plusieurs jours.
De nombreuses plantes qui apparaissent durant le mois d’avril ont des saveurs fortes comme l’alliaire officinale, le lierre terrestre ou la berce qui n’est pas encore en fleurs mais qui se reconnaît à ses feuilles et son goût.
Photographie de gauche : Les photographies des plantes présentées dans cet article ont été prises l'année dernière. Il est parfois difficile de reconnaître une plante simplement par son image. Je pense qu'il s'agit ici de la mâche doucette, mais n'en suis pas sûr.
Les feuilles fraîches d'ail des ours aromatiseraient salades, légumes, potages etc. C'est une plante sauvage connue et très utilisée ; mais je n'en ai jamais vue. Les feuilles peuvent être confondues avec celles du muguet ou du colchique qui sont toxiques. Pour vérifier, il suffirait de frotter les feuilles entre les doigts pour en sentir l’odeur d’ail caractéristique.
Photographie de droite : Alliaire officinale. Au milieu de la photographie sont les fleurs, et les feuilles en haut.
Les feuilles de l'alliaire officinale ont elles aussi une odeur d'ail, la saveur et même la propriété d'être vermifuge comme expliqué au mois de mars. On l'appelle aussi herbe à l’ail. Elle est bonne en salade à laquelle elle donne un certain goût. Un gratin dauphinois aux feuilles d’alliaire consiste simplement à remplacer l’ail par les feuilles de cette plante.
Les racines de benoîte peuvent se substituer aux clous de girofle et les jeunes feuilles encore tendres se consommer en salades et potages de légumes.
On ferait une soupe avec des feuilles de cresson de fontaine, d’ail des ours, de lierre terrestre et fleurs de primevères. Mais au printemps je préfère personnellement faire des salades mélangées de feuilles et fleurs de plantes sauvages comestibles ; en automne des soupes en particulier avec des racines et quelques feuilles.
Les jeunes feuilles translucides du hêtre font de douces salades. Les jeunes pousses du houblon (Humulus Lupulus L.) se récoltent au printemps en avril/mai et se mangent comme des asperges ou agrémentent des potages. J'ai mangé ce week-end d'agréables pousses de fougères dans un 'concept-restaurant' japonais de mon quartier (www.culinary-messengers.com/) qui elles aussi se dégustent comme des asperges. Elles ont un léger goût de poireau et une consistance finement croquante et gluante. En France on récolte les jeunes frondes (ressemblant à une crosse de violon) de la fougère aigle. Si à la cuisson elles dégagent une odeur d'amandes amères, il ne faut pas les manger.
Photographie de gauche : Pulmonaire.
Les feuilles du lierre terrestre aromatisent et peuvent s’ajouter aux salades, potages et légumes. Le goût est assez fort et surprenant. S’y habituer fait du bien à l’organisme.
Photographie de droite : Gratteron.
De fin mars à fin avril on peut trouver des morilles. La morille ronde, dite aussi commune (Morchella esculenta) se rencontrerait sous les pommiers et frênes et sur les terres remuées de jardins, déblais, plantations. Elle doit être mangée bien cuite, car crue ou mal cuite elle est toxique. Ne pas confondre avec la gyromitre qui est mortelle, même cuite, et pousse à la même époque. La morille conique Morchella conica est comestible comme la morille ronde commune. D’autres champignons comestibles peuvent être rencontrés comme le tricholome de la Saint-Georges ou mousseron vrai (Tricholoma gambosa (georgii)) que l'on trouve le 23 avril à la Saint-Georges dans les prés en lisière de forêt et toujours en terrain calcaire. Ne pas confondre avec d’autres champignons. Paraît-il, c’est un très bon champignon. Cette partie sur les champignons n'est cependant pas à lire sérieusement car je ne connais pas grand chose dans ce domaine, mis à part les bolets, cèpes et coulemelles qui sont à peu près les seuls champignons que je ramasse.
Les jeunes feuilles d'ortie peuvent être préparées de différentes façons, par exemple en salades (après avoir versé dessus de l’eau bouillante pour enlever les substances urticantes) ou en soupe. Sa richesse en éléments nutritionnels la fait recommander en adjonction aux mets dont elle n’altère pas le goût. On peut faire des raviolis aux ortie et au fromage blanc. Une sauce pour accompagner des pâtes consiste à cuire de l’oignon dans de l’huile d’olive, saler et ajouter de la crème fraîche puis au dernier moment les jeunes pousses d'ortie. C'est délicieux.
Photographie de gauche : Illustration pleine page de la partie sur 'Le Printemps' de Les Saisons, Poème traduit de l'anglais de Thomson. Nouvelle édition. Avec gravures de Blanchard, dessinées par Binet. Imprimerie de Patris, 1795.
Les jeunes feuilles du pissenlit dent-de-lion cueillies se prêtent à la préparation de salades ou s’ajoutent aux légumes. Il est préférable de ramasser le pissenlit avant sa floraison pour une salade, car après il devient amer. Ceci dit, le goût amer très présent dans la nature est aujourd'hui souvent oublié dans la cuisine, alors que bien mis en valeur ses propriétés gustatives sont immenses.
Photographie du dessus : Arbre, sans doute un chêne.
S'ajoutent aux salades les feuilles de plantains, lierre terrestre, et les feuilles et les fleurs de lamiers, alliaire officinale, pissenlit dent-de-lion, primevère officinal, pâquerettes, violettes … Les fleurs et les feuilles de primevère officinale (primula veris L.) font de bonnes tisanes pour le petit déjeuner. On peut ajouter aux salades et potages les jeunes feuilles finement coupées. Les fleurs de primevères officinales enrobées dans du sucre de canne biologique non raffiné font des bonbons, de même que si on trempe des fleurs avec leur calice (avec une pince à épiler) dans des blancs d’œufs battus jusqu’à consistance, puis dans du sucre de canne biologique non raffiné. [PS : Le sucre raffiné n’est pas bon pour les dents. Je ne connais aujourd’hui aucune pâtisserie française n’utilisant pas ce sucre alors qu’il existe de nombreuses formes d’aliments sucrant bons pour la santé et les dents.] Laisser sécher avant de goûter. On fait de même avec les fleurs de violette odorante. Il existe plusieurs espèces de violettes. Toutes sont comestibles (fleurs et feuilles) ; mais c’est la violette odorante que l’on utilise pour ses propriétés médicinales et qui a du goût.
Certaines jeunes pousses apparaissant aux bouts de branches peuvent aussi être comestibles comme celles de la ronce ou des pins (sauf le if dont les fruits sont toxiques et qu'il vaut mieux éviter).
Alors, ces rosiers, ils fleurissent quand ? Et puis quand est-ce qu’il fait vraiment beau ? Des questions qui reviennent chaque année même chez les plus habituées des personnes aux multiples printemps.
Dans l'acte II de l'opéra de Pietro Mascagni (1863-1945) intitulé L’Amico Fritz, un joli passage rend hommage à ce mois d'avril. On peut écouter une interprétation ici et lire le texte avec sa traduction ci-après :
FRITZ
(da sé, scostato) (tout seul sur le devant)
Tutto tace, Tout se tait,
Eppur tutto al cor mi parla. Et pourtant tout parle à mon cœur…
Questa pace, Cette paix,
Fuor di qui dove trovarla ? Où la trouver en dehors d’ici ?
Tu sei bella, Que tu es belle,
O stagion primaverile ! Ô saison printanière !
Rinovella Le doux avril fait
Fiori e amori il dolce aprile ! Renaître les fleurs et l’amour !
(Suzel rientra dalla porta dell’orto, il grembiulino pieno di ciliege.)
(Suzel revient par la porte du jardin, son petit tablier tout plein de cerises.)
SUZEL
Quale incanto Quel enchantement
Nel risveglio d’ogni fiore ! Que le réveil de toutes les fleurs !
Riso o pianto, Rire ou pleur,
Tutto è palpito d’amore ! Tout est tremblement d’amour !
Tutto il prato Tout le pré
D’un tappeto s’è smaltato… S’est couvert d’un tapis émaillé …
Al Signore Vers le seigneur
S’alza l’inno da ogni core ! S’élève l’hymne de tous les cœurs !
FRITZ
Tutto tace, eppur tutto al cor mi parla ... Tout se tait, et pourtant tout parle à mon cœur…
Questa pace fuor di qui, dove trovarla ? Cette paix, où la trouver en dehors d’ici ?
SUZEL
Qual incanto nel risveglio d'ogni fiore ! Quel enchantement que le réveil de toutes les fleurs !
FRITZ
Tu sei bella, o stagion primaverile ! Que tu es belle, ô saison printanière !
Rinnovella fiori e amori il dolce aprile ! Le doux avril fait renaître les fleurs et l’amour !
SUZEL
Tutto il prato d'un tappeto s'è smalato … Tout le pré s’est couvert d’un tapis émaillé…
Al Signore s'alza l'inno di ogni core! Vers le seigneur s’élève l’hymne de tous les cœurs !
FRITZ
Tu sei bella, O stagion primaverile! Que tu es belle, ô saison printanière !
Rinnovella fiori e amori il dolce aprile! Le doux avril fait renaître les fleurs et l’amour !
SUZEL
Qual incanto Quel enchantement
FRITZ
Sei pur bella Tu es si belle
SUZEL
Nel risveglio d'ogni fiore! Que le réveil de toutes les fleurs !
FRITZ
O stagion primaverile ! Ô saison printanière !
LES DEUX
Rinnovella fiori e amori il dolce aprile, il dolce aprile ! Le doux avril fait renaître les fleurs et l’amour, le doux avril !
FRITZ
Rinnovella Fiori e amori Il fait renaître les fleurs et l’amour
SUZEL
Qual incanto nel risveglio d'ogni fiore! Quel enchantement que le réveil de toutes les fleurs !
FRITZ
Fiori e amori Les fleurs et l’amour
LES DEUX
Tutto tace ... Tout se tait …
Photographie du dessous : La vallée de Tempé (La haye, Jean Neaume, 1747). La vallée de Tempé fait partie de ces lieux pastoraux grecs antiques et mythiques comme l'île de Lesbos ou l'Arcadie. Ils représentent un âge d'or. Les monts du Forez sont une autre contrée pastorale, mais française, dont la mythologie s'est créée au XVIIe siècle autour du roman d'Honoré d'Urfé L'Astrée. Voir à ce sujet l'article intitulé Astrée.
© Article et photographies LM