Anglomanie, partie 4 : Le sport avec les gentlemen, les gentilshommes du sport, les sportsmen et les sportswomen, les hygiénistes.

- Mardi 28 octobre 2008 - Anglomanie, partie 1 : Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et dans les premières années du XIXe.

- Vendredi 31 octobre - Anglomanie, partie 2 : Fashionables et dandys.

- Mardi 4 novembre - Anglomanie, partie 3 : Lions, lionnes, lionceaux, faux anglais, high life, snobs, perfect gentlemen.

Photographie (gauche) : Première page du chapitre sur 'Le sport' de La Comédie de notre temps (1874-1876) de Bertall (1820-1882). Ce livre délicieux croque les moeurs de son époque avec un humour tendre, comme au XVIIIe siècle on désigne par couleurs tendres des tons impétueux et riches, vifs et profonds, doux et délicats. Les traits des caricatures et des textes de Charles Constant Albert Nicolas d'Arnoux de Limoges Saint Saens, dit Bertall, dessinent la vie d’une façon qui rappelle un peu ces couleurs précieuses, originales, flamboyantes et vraies (des pastels intensément colorés) du XVIIIe siècle. Balzac le protège à ses débuts et le garde comme illustrateur attitré.

Le concept de sport naît, semble-t-il, en France avec l'anglomanie. Bertall (1820-1882) consacre un chapitre au sport dans La Comédie de notre temps (1874-1876) : « Sous la dénomination de sport, mot anglais, on comprend tout ce qui a trait aux exercices du corps dans leurs rapports avec les animaux, section des chevaux et des courses, ou contre eux, section de la chasse et de la pêche, ou sans eux, section de la natation, de l’escrime et du canotage. Un sportsman accompli est un homme dans lequel toutes les facultés physiques sont en équilibre, ce qui doit, en théorie, produire le mens sana in corpore sano. En réalité, cela produit parfois tout le contraire. Le nom de sportsman, par dérogation, est donné plus spécialement à ceux qui se préoccupent d’une façon plus particulière du cheval et des courses de chevaux. »

Photographie (droite) : « Courses de Longchamps. » Image tirée de Les Merveilles du Nouveau Paris (1867) par Décembre-Alonnier.

Photographie (au dessous) : Quatre différentes illustrations de La Comédie de notre temps (1874-1876) de Bertall avec : « Gentleman. Courses, bains de mer et tir au pigeon. » ; « Gentilhomme du sport. Tenue de sportsman extra-muros. » ; « Gentilhomme du sport. Tenue de sport extra-muros. » ; « Sportswomen ».

Au XIXe siècle, avec la vogue des turfs ; les turfistes font leur apparition avec deux nouveaux genres : le gentilhomme du sport et le sportsman. Le premier est sur les champs de courses : il joue. Le second normalement aussi ; mais dans son Physiologies parisiennes, (1886) Albert Millaud (1844-1892) distingue le genre « sportsman en chambre » qui parie de Paris chez des bookmakers. Il y a toutes sortes de sportsmen et même des sportswomen comme on l'apprend dans Les Français peints par eux-mêmes (1842) dont un chapitre est consacré à ce caractère (masculin ou féminin). Il y a « le jeune duc et pair qui possède un haras et l’attelage le plus irréprochable de Paris [...] La jeune vicomtesse toute exquise et dont la tenue à cheval est d’une si délicieuse hardiesse est encore un sportsman femelle. Sportsman est aussi la demoiselle entretenue qui galope à tort et à travers sur un locatis […] nous les retrouvons jusqu’au tir-aux-pigeons, et même en deux classes, savoir le sportsman qui tire et le sportsman qui regarde tirer. Nous rencontrons les sportsmen à l’école de natation, dans les salles d’armes, au tir du pistolet, à la joute des coqs chez M. Tourel, et jusqu’à la petite Villette où l’on fait militer des cochons d’Inde. » Il prend un accent anglais, est un anglomane averti, fréquente le jockey-club (pour les plus en vue) et a une passion immodérée pour le cheval (s’il est anglais).

Photographie (au dessus) : Première page du chapitre intitulé « Le sportsman parisien. » de Les Français peints par eux-mêmes, Encyclopédie morale du dix-neuvième siècle (plusieurs tomes édités entre 1840 et 1842).

Au commencement de son utilisation, le terme de 'sport' désigne les pratiques tournant autour des chevaux, comme le turf, les promenades à cheval ... Petit à petit, ce mot est employé pour d'autres usages comme le lawn-tennis ... Au XIXe siècle, un courant hygiéniste met en avant ce domaine ainsi que de nouveaux comportements vestimentaires et de vie. Mais je parlerai de cela dans un article sur l'hygiène, un domaine passionnant. Je montrerai son importance dans la mode française, la propreté étant la base même de celle-ci.

Photographie (gauche) : 'Le sportsman en chambre'. Millaud, Albert (1844-1892), Physiologies parisiennes, La Librairie illustrée, 1886.

Photographie (droite) : Illustration du chapitre sur 'Le lawn-tennis' de La Vie élégante (tome second, 1883).

En conclusion de cet article en quatre parties sur l'anglomanie des petits-maîtres français, voici le début du chapitre consacré au « sportsman parisien » de Les Français peints par eux-mêmes : « 0n disait autrefois : Le Français né malin créa le vaudeville ; je propose de réformer ce adage en disant : le Français né Français créa l'anglomanie : si cette vérité notoire et ce fait patent pouvaient être mis en discussion, le titre seul de cet article en serait la démonstration la plus convaincante. Nous voudrions esquisser un type, l'analyser, le nuancer même ; il est destiné à une collection éminemment française, et sous quel titre le présentons-nous à nos lecteurs français ; sous un titre tellement anglais qu'il est composé d'un adjectif welsche et d'un substantif d'origine saxonne, sorte de contraction grammaticale ou logomachie qui ne saurait appartenir qu'à la langue de Shakespeare et de Milton. [...] La France est certainement le pays du patriotisme, mais ce patriotisme nous permet de ne jamais rester français : sous la république et le directoire, nous étions Grecs et Romains ; les femmes portaient des chlamydes à méandres [...] Sous la restauration nous sommes devenus néo-Grecs. [...] Depuis 1830, nous avons prodigué les trésors de nos sympathies, aux Belges, Polonais, Italiens, Lusitaniens, Espagnols, Mexicains et Canadiens [...] Mais de toutes nos sympathies exotiques, une seule est durable et profondément enracinée parmi nous : c'est l'anglomanie. »

Merveilleuses & merveilleux