Comme vous le savez, le thème des gandins m'est cher. Il s'agit de poser un regard précieux sur notre monde, plein de finesse et de fantaisie. J'ai récolté de nouvelles fleurs sur ce sujet. En histoire de l’art, il suffit d'ouvrir un élément pour découvrir une porte menant à une salle aux trésors où se trouve une autre ouverture débouchant sur un autre filon etc. En me penchant sur la mode française, je savais que je réussirais à y trouver de la délectation ! Pour faire suite à certains articles du blog dont celui du 10 mars 2008 intitulé Définitions de gens à la mode en France : Beaux, Copurchics, Fashionables, Gandins, Gants jaunes, Gommeux, Jeunes France, Lionnes, Lions, Petits crevés, Pommadins, Raffinés …, voici de nouveaux vrais, faux et apprentis précieux, à disposer dans notre dictionnaire : biches, cocottes, cousettes, crevettes, daims, demi-messieurs, grisettes, lorettes, menin(e)s, midinettes, mignon(ne)s, petites dames, petits messieurs et roués. Toutes les définitions présentées ainsi que tous les articles de ce blog sont originaux.
BICHE. Femme entretenue.
COCOTTE. On appelle ainsi au XIXe siècle, une femme aux mœurs légères richement entretenue.
COUSETTE. Mot employé au XIXe siècle et durant la première moitié du XXe pour une jeune ouvrière travaillant dans la couture. A rapprocher d’une grisette.
CREVETTE. Il semblerait que ce soit le féminin de crevé (voir définition de petit-crevé de l’article du 10 mars 2008).
Photographies : Deux caricatures d’une crevette provenant de deux différentes éditions de Le Trombinoscope (voir les photographies de la définition du gommeux) de la fin du XIXe siècle. Sur la première l’ombre de la caricature représente une cocotte (voir définition) en papier. Sur la seconde, on remarque l’usage des mouches sur le visage et du rouge à joues comme au XVIIIe siècle.
DAIM. Homme élégant, plus ou moins riche et mondain, assez prétentieux, plutôt crédule et sot, recherchant le voisinage des biches.
DEMI-MONSIEUR. Homme qui essaie de paraître élégant et digne.
GOMMEUX. Voir Définitions de gens à la mode en France : Beaux, Copurchics, Fashionables, Gandins, Gants jaunes, Gommeux, Jeunes France, Lionnes, Lions, Petits crevés, Pommadins, Raffinés …
Photographies : Deux caricatures d’un gommeux provenant de Le Trombinoscope publié tout d'abord sous la forme d’un journal hebdomadaire, puis semi-hebdomadaire ; parutions rassemblées par la suite en deux volumes parus en 1874 et 1878 puis sans doute réédités. Les articles sont écrits par Touchatout et décrivent de façon fantaisiste des personnalités de l’époque et des figures typiques traitées de façon allégorique avec par exemple Gommeux Angénor ou Pastella Crevette. Chaque article débute généralement par un portrait /caricature. Les deux exemples que nous présentons proviennent de deux différentes éditions de la fin du XIXe siècle. Les caricatures sont différentes mais les textes les mêmes. On remarque que sur la première le gommeux tient en laisse une cocotte (voir la définition de la cocotte) en papier. Sur l’équivalent concernant la crevette, celle-ci a une ombre en forme de cette même cocotte en papier, et le texte enseigne que le gommeux a souvent comme conquête amoureuse des crevettes. Voici des passages du Gommeux : « Les tripotages heureux, les siens et ceux des autres, tuèrent en lui l’amour et le respect du vrai travail. Et bientôt, libertin usé, jeune homme vieilli, fils sans foyer, débauché sans amour, Angénor devint un des spécimens les mieux réussis de cette génération de crevés que le réveil politique de 1868 et 1869 trouva insensibles, engourdis et hébétés, selon la formule napoléonienne. […] Aujourd’hui, Angénor n’est plus le petit crévé de 1869, cet être déjà bien vain, bien puéril et bien triste, mais que sa jeunesse excusait encore. […] Au physique, Angénor Gommeux est un grand garçon aux traits fadasses et bêtes. Il est replet, parce qu’il est bien nourri, mais il est sans muscles. La figure est grasse et jaune ; il se maquille comme une femme, porte la raie sur le milieu de la tête et ramène sur son front d’idiot deux bandeaux de cheveux plats et lisses qui complètent la caricature la plus insensée de l’espèce humaine pour les gens qui ont le bonheur de se souvenir que Vercingétorix en faisait partie… »
Photographie : Petite chromolithographie publicitaire (6,3 x 9,9 cm), sans doute de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe représentant un gommeux. Texte : « Au Bon Génie / Vente à crédit / Lyon 73 Avenue de Saxe / 73 Lyon / Le Gommeux »
GRISETTE. Si dans le Dictionnaire de L'Académie française de 1762 il est écrit qu’il s’agit « d'Une jeune fille ou d'une jeune femme de médiocre condition. », l’édition de 1832-5 ajoute : « se dit aussi d'Une jeune fille ou d'une jeune femme de médiocre condition; et, plus particulièrement, d'Une jeune ouvrière coquette et galante. Il n'y avait que des grisettes à ce bal. Il ne voit que des grisettes. Ce sens est familier. » Le terme désigne souvent des ouvrières ou employées de maisons de modes et de beautés, coquettes et se laissant courtiser assez facilement : « couturières, modistes, fleuristes ou lingères, enfin tous ces gentils minois en cheveux, chapeaux, bonnets, tabliers à poches, et situés en magasins » (Balzac, Œuvres div., t. 2, 1831, p. 277). « Quand la grisette assise, une aiguille à la main, Soupire, et de côté regardant le chemin, Voudrait aller cueillir des fleurs au lieu de coudre » (Hugo, Châtim., 1853, p. 347). La grisette est un personnage coutumier de la littérature de la première moitié du XIXe siècle : pièces (comédies, vaudevilles …), opérettes, romans, chansons … la mettent en scène.
LIONNE. Voir Définitions de gens à la mode en France : Beaux, Copurchics, Fashionables, Gandins, Gants jaunes, Gommeux, Jeunes France, Lionnes, Lions, Petits crevés, Pommadins, Raffinés …
Photographie : Page de titre de la pièce de théâtre d’Augier & Foussier, Les Lionnes pauvres, Michel Lévy, 1858, 1ère édition.
LORETTE. Au milieu du XIXe siècle le mot est employé pour désigner une coquette de condition médiocre, un peu vulgaire et impertinente, dont le type se trouve en particulier dans le quartier de Notre-Dame-de-Lorette à Paris. Elle se laisse facilement entretenir. Elle est à associer aux grisettes, midinettes, cousettes.
MENIN(E). « C'est ainsi qu'on appelle un certain nombre d'hommes de qualité attachés particulièrement à la personne de M. le Dauphin, de M. le Duc de Bourgogne, &c. » Dictionnaire de L'Académie française, Edition de 1762. Le nom peut être employé au féminin comme au masculin pour une jeune personne noble au service d'un membre d'une famille royale. Il désigne aussi de jeunes gens extrêmement élégants et dignes de respect.
MIDINETTE. Jeune employée de maison de mode. Ce nom apparaît à la fin du XIXe siècle et est en usage pendant tout le XXe siècle.
MIGNON(NE). Ce terme désigne de jolies jeunes personnes. La plus célèbre est sans doute celle de Ronsard (« Mignonne, allons voir si la rose »). Il définit aussi un amant ou une maîtresse. On l’emploie de même pour des jeunes gens particulièrement beaux qui suivent un ou une aristocrate. Les personnalités romaines aiment durant l’Antiquité à s’entourer d’une nombreuse cour constituée en partie de gracieux individus qui se distinguent par la beauté de leur physique, de leurs manières et de leurs habits. Cette pratique se perpétue aux siècles suivants. Henri III (1551-1589) est connu pour avoir eu de nombreux favoris : des mignons. Nicot, Dans le Thresor de la langue française de Nicot, datant de 1606, parle des « mignons du Roy ». Au masculin cela décrit aussi des hommes plus ou moins efféminés voir homosexuels.
PETITE DAME. Jeune femme qui se donne les manières d’une dame.
PETIT MONSIEUR. Sans doute comme le demi-monsieur (voir la définition).
ROUE. Jeune homme élégant mais particulièrement débauché. On appelle roués les compagnons des soi-disant beuveries de Philippe d'Orléans (1674-1723) au Palais Royal où il habite pendant sa Régence. Ce nom est synonyme de tumultes et d’orgies.
Si le XIXe siècle français est très emprunt de la mode anglaise avec ses dandys et ses fashionables, il a ses propres gandins et autres gommeux. Citons un passage de Les Français peints par eux-mêmes; encyclopédie morale du dix-neuvième siècle d’Honoré de Balzac (1799-1850) ou est dépeint un DANDY dans le vocabulaire ‘chic’ de l’époque : « Cette variété de l’espèce nous a donné le directeur dandy, administrateur en gants jaunes et en bottes vernies, apportant au théâtre les façons exquises et les susceptibilités de la haute fashion financière. Lors de son avènement au pouvoir dictatorial, le lion fut accueilli dans son théâtre avec le cérémonial usité. ». Cette comédie parisienne du XIXe siècle est assez amusante avec ses grisettes, cousettes, lorettes, d’un côté et de l’autre ses lionnes, lions, dandys, gants jaunes, gommeux, copurchics de l’autre … et puis toute la panoplie des cocottes et femmes frivoles, sans compter les beaux, cocodès, cols cassés, petits crevés, gandins, jeunes France, mirliflors, pommadins. Il est certain que la France d’alors devenue bourgeoise et assez vulgaire garde des relents de créativité tout en se laissant petit à petit submerger par la mode anglo-saxonne qui prend définitivement le pas au XXe siècle et en particulier à partir de l’entre deux-guerres avec les swings et les zazous, puis les yéyés, les rockers, les hippies, les punks, les new-wave, les technos, les grunges, et bien d’autres modes inspirées des anglo-saxons ou directement importées d’Angleterre ou des Etats-Unis. Pourtant la mode française a ses particularités, notamment un amour du beau, du bon goût, de l’art, des plaisirs, de la poésie, de la nouveauté créative … encore présents au XIXe siècle dans ce lieu emblématique qu’est le Palais-Royal et dont on dit en 1845 : « C'est au Palais-Royal qu'on trouve [...] des femmes dont les visages s'abritent sous des chapeaux impossibles, que surmontent des fleurs fanées ou des plumes fabuleuses ». Aujourd’hui pourtant, il est presque totalement vidé de ses plus grands acteurs … de ses ‘impossibles’ promeneurs !