Les oublies seraient des petites gaufrettes, ayant la forme d'un cône, vendues par d'anciens soldats avec sur leur tambour un système de loterie. L'estampe représente peut-être un fils de soldat, ayant l'allure d'un Muscadin face à des Merveilleuses. Elle a pour titre : « Les Oublies ». Les Merveilleuses sont habillées à la mode du tout début du XIXe, c'est-à-dire dans des tuniques et drapés à l’antique. Le soldat quant à lui porte le chapeau caractéristique, la coupe de cheveux tombant sur les côtés du visage et une natte au dos (longue tresse appelée ‘cadenette’ et souvent attachée derrière la tête par un peigne). Son costume est assez rustique bien que typique, et ses chaussures ont la forme de sabots. Le dessinateur est le baron François-Joseph Bosio (1768 -1845) dont on peut voir d’autres gravures sur le site de la Réunion des Musées Nationaux avec cette même signature : ‘D. Bosio’ (cliquez ici). Le graveur est Nicolas Schenker (1760 – 1848). Cette image est de la première moitié du XIXe siècle.
Des questions récurrentes sont posées concernant les Merveilleuses, Incroyables et Muscadins. Une d’entre elle est de demander quelle est la différence entre un Petit-maître, un Incroyable et un Muscadin. Tous trois sont des jeunes gens aux manières précieuses, habillés avec soin et originalité, usant d’un langage et d’un style recherchés parfois affectés. On les retrouve dans toute la seconde moitié du XVIIIe siècle et au tout début du XIXe. Leurs habits et leurs tournures ne sont donc pas toujours les mêmes. Ce qui les définit comme étant l’un ou l’autre, c’est avant tout le regard que les autres portent sur eux. Un Sans-culotte les traitera de ‘Muscadins’, terme souvent usité de façon péjorative pour accentuer leur côté « cocotte » (se parfumant exagérément au musc). ‘Petit-maître’ est plus employé de façon affectueuse, et le nom d’’Incroyable’ marque l’étonnement, voir l’enchantement. On désigne ces jeunes par d’autres mots comme ‘Inconcevables’ etc. Dans l’article du 11 septembre 2007 intitulé Les Merveilleuses, Incroyables, Muscadins … leurs cannes et leurs bâtons, une gravure présente un Inconcevable au bras d’une Merveilleuse avec une commerçante à la criée qui s’exclame : « C’EST INCONCEVABLE, tu n’es pas reconnaissable ! » Si la marchande avait utilisé le mot ‘Incroyable’ cela aurait eu le même effet. L’habit du garçon pourrait tout aussi bien être celui d’un des trois autres ‘types’ de jeunes gens. Cette gravure montre aussi que cette jeunesse là n’est pas coupée du populaire, n’est pas obligatoirement « dorée » comme on le dit souvent, mais qu’elle possède sans conteste une richesse qui lui est propre : celle que seul son âge peut offrir.
Une autre question que l’on pose souvent regarde les convictions politiques de ceux-ci. Là cela concerne en particulier les Muscadins pendant la Révolution qui étaient appelés ainsi surtout de façon péjorative par certains révolutionnaires. De plus, cette jeunesse là (avec ses Incroyables …) rechigne à s’engager dans les armées de l’époque et à suivre les couleurs imposées. Elle a les siennes propres, comme le noir ou le vert, et leurs collets portant ces teintes sont l’objet de rixes avec les sans-culottes qui veulent les leur arracher. Avec la fin des Sans-culottes, l’ordre est représenté par les Muscadins. Leurs habits deviennent même ceux des militaires. Sous l’empire, Napoléon lui-même porte des habits d’Incroyable, ainsi que certains de ses officiers et de son armée. Leurs immenses chapeaux « bicornes » en sont un exemple, de même que les cravates hautes, les manteaux caractéristiques etc. La mode masculine des couvre-chefs gigantesques et très originaux du Premier Empire n’a aucun équivalent dans l’histoire de la mode des hommes ; même les hauts-de-forme du XIXe siècle font très pâle figure en comparaison. En résumé, avant 1789, les Incroyables et autres Muscadins n’affichent pas de couleurs politiques précises mais simplement leur différence. A la Révolution, acculés dans un monde violent et politisé ils cherchent soit à s’y soustraire, soit prennent une cause. Le fait est que beaucoup perdent des gens de leur famille dans cette tuerie. Leur collet noir est en signe de deuil et il leur est impossible de prendre partie pour ceux qui sont à l’origine de ces meurtres ou qui les soutiennent. Mais cela ne les empêchera pas de savourer pleinement leur jeunesse et de s’amuser. A la fin de la Révolution, on organise des ‘Bals des victimes’ ouverts à ceux ayant perdu au moins un de leurs proches à la guillotine. Comme toujours en France, la Joie reprend le dessus avec des fêtes organisées jusque dans l’ancienne résidence parisienne de la marquise de Pompadour (l’actuel Palais de l’Elysée), achetée par Louise-Marie-Thérèse d'Orléans duchesse de Bourbon qui en 1797 loue le rez-de-chaussée au négociant Nicolas Hovyn, qui dès le mois de juin et pour à peu près une année (jusqu’à l’exil de la duchesse) le consacre à la danse et aux jeux. C’est à cette époque semble-t-il que l'hôtel prend le nom d'"Elysée" du fait du lieu de promenade voisin.