À notre époque où faire la fête de manière libre peut devenir un délit, où des confinements et des couvre-feux sont imposés ainsi qu’un bâillonnage généralisé, il est important d’invoquer les aventuriers des plaisirs de la vie nocturne, ces flâneurs sous la lune, ces museurs dans la nuit, du crépuscule et de l’aurore, éclairés de breuvages pétillants et de rêves sans conséquences, libérés des contraintes de l’affairement diurne, se décontractant sous la lune, pendant que dorment les innocents baignés dans la lumière de Sémélé. La nuit on entend davantage battre les coeurs, on saisit mieux les rythmes profonds des hommes et du monde. Les frontières entre le jour et la nuit, le bien et le mal, s’évanouissent avec la réalité manichéiste pour entrer dans l’au-delà du dedans : le voyage sans bouger.
Ci-dessus : Partition Les Noctambules « Duo créé par Mr & Mme. Gidon-Lynnès aux Ambassadeurs ». « Paroles de A. Trebitsch et P. Briollet Musique de Félix Chaudoir ». Le texte est laissé tel-quel.
« 1er COUPLET. Pendant que les bourgeois sommeillent Dans les quartiers sans bruit Les gens d’la haut’ noc’ se réveillent Pour festoyer la nuit. Avec des femm’s, ces joyeux types De brass’ri’s en sous-sols Vont chanter et fumer des pipes En buvant des alcools. Les Noctambules Qui déambulent S’en vont bras d’ssus bras d’ssous En riant comm’ des fous. Ils font tapage Dans l’voisinage. Au bruit d’ce potin là Chacun s’écri’ voilà Les Noctambules. 2 LUI Qu’ils soient financiers ou poètes Élégants ou rapés Les Noctambules dans les fêtes Fraternis’nt aux soupers. ELLE Grand’s dam’s, cocott’s ou femm’s légères Se gris’nt des mêm’s plaisirs Des mêm’s amants, des mêmes verres Et des mêmes désirs (au Refrain) 3 LUI Pour goûter la poési’ chouette Ils s’en vont chez Bruant. “Ah ! La la ! Quell’ gueul’ quell’ binette” Qu’on leur crie en entrant. ELLE Mais des mots crus, des chansons grasses Les p’tit’s femm’s n’ont pas l’taf Ell’s entonn’t tout’s : À Montparnasse ! Ou l’refrain des Bat d’Al’. (au Refrain) 4 Quand on a fait un tour aux Halles Comme y a plus rien à voir On revient avec le nez sale En arpentant l’trottoir. ELLE Jupons froissés, robes piteuses Et chapeaux éreintés Toutes les bouches sont pâteuses Et les yeux culottés. (au Refrain) »
Ci-dessous : Partition Les Noctambules. « Chanson-Marche Créée par Amond à l’Horloge, Féréol des Ambassadeurs, Mauraisin à l’Alcazar d’Été ». Les paroles et la musique sont des mêmes auteurs que précédemment. La première de couverture de cette partition est signée « Faria » (1849 – 1911).
Ci-dessous : J’trouv’ça épatant « Créée par Fernanoyl Dorvel Paroles de François Tier Musique d’Édouard Jouve » Il s’agit d’une « chanson-marche ». La première de couverture de cette partition est signée « Paul B. ».
« 1er COUPLET. Tempo di Marcia. Qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou vente, Tous les jours pour moi sont pareils, Je suis d’un’ nature étonnante, Je n’aime pas du tout l’soleil ; Je sors d’ chez moi quand s’lèv’ la lune, Puis j’ commence à vadrouillocher, Et ne rentr’, chos’ non moins commune, Qu’ quand la même lun’ va s’coucher. Je suis comme les chauv’souris, Je ne suis heureux que la nuit. REFRAIN Je suis un noctambule, Très dégourdi, très polisson, J’suis toujours derrièr’ les jupons ; Dans les carr’fours je piste Ouvrière, ou modiste, Qui rentre en r’tard chez ses parents, Qu’voulez-vous ? j’trouv’ça épatant. 2 Sur les grands boul’vards de la butte, L’autr’nuit, vers trois heur’s du matin, Je ne tenais plus sur mes flûtes, J’étais gavé des meilleurs vins ; Ma compagne, un’superbe blonde, Me passait la main dans les ch’veux, Son protecteur, un homm’ du monde, Dans mes poch’s s’occupait d’son mieux ; Malgré tout j’étais très content , Et je chantais en titubant. REFRAIN Je suis un noctambule, Toujours je déambule, J’suis dégourdi, j’suis un polisson, Je me grise avec les tendrons ; J’fais des conquêt’s très chouettes, Qui m’ratiss’nt ma galette, Mais moi qui suis né bon enfant Qu’voulez-vous ? j’trouv’ça épatant. 3 Toujours en quêt’ d’un’ bonne aubaine, Comme avant tout je suis garçon, Avec un’ grand’ demi-mondaine J’soupais l’autr’soir dans un salon ; J’fus heureux avec cett’ vestale, Impossibl’ de l’dir’ plus franch’ment, Mais le lend’main j’avais la gale, Et ça m’avait coûté cent francs ; Mais malgré tout j’étais content, Et je chantais en me grattant. REFRAIN Je suis un noctambule, Toujours je déambule, Très dégourdi, très polisson, J’fréquent’ tout’s les cocott’s en r’nom, D’mon métier, j’fais la noce, Mais d’autrefois c’est rosse, Je d’viens frotteur pour passer l’temps Qu’voulez-vous ? j’trouv’ça épatant. 4 Quand je vais aux Foli’s-Bergère, À la Cigale, à l’Olympia, De tout l’programm’ ce que j’préfère, C’qui m’rend toqué mesdam’s le v’là ; C’est d’voir sur scèn’ les p’tit’s danseuses, Qui font sauter leurs blancs nénés, Moi, d’lorgner leurs jamb’s plantureuses, Je m’sens des fourmis aux mollets ; À la sorti’, sur le boul’vard Je me tortill’ comme un lézard. REFRAIN Je suis un noctambule, Toujours je déambule, J’suis allumé, je n’vous dis qu’ça, Par tout’s ces frimoussettes là, J’gigott’, je gesticule, Je me démantibule, J’ai l’air d’un fou, naturell’ment, Qu’voulez-vous ? j’trouv’ ça épatant. »