Drôles de pistolets IV : Les petits-crevés

Merveilleuses et merveilleux

Après les gandins (voir ici et ici) et les gentils hommes (voir ici), voici d’autres drôles de pistolets : les petits-crevés du Second Empire  !

Ci-dessus : « Cours d’anthropologie comparée, – par Nadar. » « –  Mossieu est d’un pays de vignobles ? –  Pourquoi cela, belle dame ? –  Parce que depuis trois ans que je vous rencontre, je vous vois toujours grêlé. » Cette lithographie est de Félix Nadar (1820 – 1910) et représente un petit crevé avec son apparence grêle, non seulement par sa corpulence, son attitude (il semble 'crevé') mais aussi par son acné. Le décor est celui d’un bal.

En 1867, ces personnages sont tellement à la mode que de nombreuses caricatures, ainsi que des chansons sont réalisées sur eux. Plusieurs ouvrages sont aussi édités, comme Cocottes et petits crevés d’Édouard Siebecker avec des dessins d’Alfred Grévin, Nos petits Crevés, attaque et riposte une pièce de théâtre d’un auteur inconnu et Les Petits crevés de MM. Alexandre Flan (1824 – 1870), Émile Lazare Abraham (1833 – 1907) et Jules Prével (1835 – 1889).

Ce dernier exemple est une pièce en quatre actes jouée la même année que l’édition ci-dessous. Comme son titre l’indique, ce vaudeville (à cette époque comédie entrecoupée de chansons) met en scène des crevettes et des petits-crevés. Dans le premier acte, un souper déguisé est organisé par ces jeunes gens. Les crevettes sont habillées en grisettes et les petits-crevés en muscadin, merveilleux, incroyable, dandy et le cinquième restant dans sa tenue de petit-crevé. On apprend beaucoup sur ce dernier genre et l’univers des cocodettes, biches, daims, lorettes, etc.

L’histoire est simple : Lors d’un souper déguisé les crevettes annoncent à leurs partenaires masculins qu’elles ont décidé de les abandonner, afin d’être libres pour l’exposition universelle parisienne de trouver des maris parmi les étrangers venus pour l’occasion. Au second acte, le petit crevé principal voit arriver chez lui, depuis la Bretagne, son oncle et sa cousine qui souhaitent se rendre à l’exposition universelle. Ceux-ci trahissent ses origines populaires. Son valet (cocher), qui croyait être au service d’un aristocrate, le quitte ne voulant pas travailler pour la roture. Le troisième acte se déroule sur le boulevard. Les crevettes, qui n’ont pas réussi à trouver de riches maris à l’exposition, veulent récupérer leurs crevés. Elles prennent l’oncle pour un riche voyageur Turc venant de l’Orient déguisé en paysan, alors qu’il vient de la campagne de Lorient en Basse-Bretagne. Au quatrième acte, évidemment tout est révélé et elles retrouvent leurs anciens amants.

Ce n'est pas du grand théâtre, mais doit être alors amusant à regarder ! Les comédies joyeuses sont très nombreuses durant l'Ancien Régime (opérettes, vaudevilles, etc.) ainsi que toutes sortes de spectacles gais (cabarets, cafés-concerts, etc.). Cela est en partie ou entièrement mêlé de musique et de chansons.

Au sujet de Félix Nadar, voir aussi cet article, c'est un caricaturiste ainsi que l'un des premiers photographes, comme l'est Bertall (1820 – 1882), un autre caricaturiste et photographe d'avant-garde dont il sera question dans un prochain article. Tous deux jouent un rôle important dans la diffusion des images de mouvements de mode et de leurs petits-maîtres.

Merveilleuses et merveilleux
Merveilleuses & merveilleux