Après les gandins, croqués par Alfred Grévin (1827 – 1892) et évoqués dans cet article et celui-ci, voici les gentilshommes (écrits « gentils hommes ») esquissés par Cham (pseudonyme d’Amédée de Noé : 1818 – 1879).
Ce dernier édite, en 1846, une vingtaine de caricatures reliées dans un album intitulé Nos Gentils hommes. Goût, Tournure, Élégance, Mœurs et Plaisirs de la Jeunesse dorée. Il s’agit d’un très intéressant cahier sur la mode excentrique de certains jeunes hommes d’alors. Ceux-ci portent les cheveux frisés, de larges rouflaquettes et favoris, une longue moustache, des habits à carreaux, de grandes cravates à gros nœud, de grands cols hauts ou bien mous et retombants, un pantalon serré finissant en pattes d’éléphant, des souliers assez menus et affublés d’un gros nœud, etc. Ces caricatures sont publiées une par une dans la revue Le Charivari de la même année. Les exemples illustrant cet article proviennent de ce journal.
En 1846, on est encore sous le règne de Louis-Philippe, qui s’étend de 1830 à 1848, juste avant la Révolution de 1848 et la Seconde République (1848 – 1852). Ces « gentils hommes » jouent les gentilshommes… certains l’étant alors que d’autres ne sont pas du tout des aristocrates. Plusieurs pièces de théâtre de l'époque mettent en scène de ces gentilshommes, gandins, petits crevés et autres. Dans ces œuvres, certains de ces personnages sont brocardés pour leur prétention à jouer les nobles quand ils sont d’une extraction populaire, ce qui bien sûr est un ressort comique exploité par les auteurs dramatiques. Ils se composent des manières ‘outrées’ d’Ancien Régime, la mode en France étant très originale, surtout aux époques où l’aristocratie est au pouvoir, celle-ci ne se donnant pas de limites, si ce n’est celles du bon goût et du manque d’imagination. La mode se renouvelant constamment et dans les mains ‘d’artistes’ en manières, habillement et goût particulièrement innovants, elle n’a pas vraiment de limites, et reste très libre. De plus, l’originalité, l’invention, la découverte, le merveilleux… dans le domaine vestimentaire, par exemple avec les robes déguisées du Moyen Âge (voir mon livre Merveilleuses & merveilleux) comme ailleurs (poésie, sciences…), occupent une grande importance dans la culture française au moins depuis le XIIe siècle et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime au XIXe. Cette inclination aux inventions et autres sciences est si fort, que plusieurs témoignages, en particulier du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe, décrivent les Parisiens non seulement férus de mode, mais aussi de sciences, et une capitale française remplie de cercles et académies. En 1830, l’Anglaise Lady Morgan écrit : « Paris est devenu une grande université ; chaque quartier a ses écoles ; les jardins publics eux-mêmes sont des lieux d’étude ; et l’on pourrait diviser la société en professeurs et élèves ; en orateurs et auditeurs, en philosophes et disciples. »
« Foi de carrossier. Un homme d’une position aussi élevée que la vôtre, doit avoir la voiture la plus basse possible….. » Les modes des merveilleux sont outrées même dans leurs voitures. Par exemple, elles sont parfois très hautes et d’autres fois très basses.
« Tiens ! C’est le m’sieu du château ! – On l’disait si riche……... y s’fait des habits avec la toile de sa paillasse !... » Les merveilleux reprennent parfois des usages de classes ‘populaires’, notamment vestimentaires, comme la blouse, le pantalon, etc. Une anecdote raconte que le comte d’Orsay (1801 – 1852) lance la mode du paletot, en s’habillant avec une longue et large veste en gros drap qu’il achète à un matelot anglais pour se protéger d’une averse, lors d’un de ses nombreux séjours à Londres.
« Ton vicomte est un cuistre !… Je lui ai gagné, hier soir, au lansquenet, 500 louis – Eh bien ! le croirais tu ! Il paraissait contrarié !……... »
« Palsambleu quel bon petit chic !! – Voilà une rosière comme nous les aimons, nous autres gentils-hommes ! » Une rosière est une belle jeune femme récompensée lors d’une fête pour ses qualités de sagesse. Elle obtient alors une couronne de roses. En France, les merveilleux sont galants. Ils n’hésitent pas à fréquenter toutes sortes de jolies et fines femmes, même certaines grisettes travaillant dans le domaine de la mode qui est le premier pourvoyeur d’emplois pour le sexe féminin.
« Ne vous effrayez pas ! C’est une preuve de race… il vous lâchera tout à l’heure. »