Dans plusieurs articles de ce blog (comme ici) j'ai évoqué la vente de biens patrimoniaux appartenant à l’État ou à des organismes publics ces dernières années. Voici une intervention faite par Mme le sénateur Claudine Lepage évoquant cette fois les ventes de biens français à l'étranger lors de la défense d'un amendement qu'elle avait déposé sur l'article 23 du Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine :
« [...] Depuis 2010, effectivement, la politique immobilière du ministère des affaires étrangères n’est plus financée que par les cessions de biens, principalement à l’étranger, car aucun crédit d’investissement n’est plus inscrit au budget général. Outre des bureaux ou appartements, sans valeur historique ou culturelle particulière, des biens prestigieux et particulièrement emblématiques du rayonnement de la France à l’étranger ont également été cédés.
L’un des derniers en date est le Palais Clam-Gallas, à Vienne, vendu au Qatar pour 22 millions d’euros. D’autres immeubles, comme la Maison de France à Berlin, véritable symbole de l’entente franco-allemande, ont échappé à la cession, grâce à la mobilisation des élus et des citoyens, français comme allemands.
Cette braderie continue, puisque la France envisage de vendre en 2017 les bâtiments de sa chancellerie et de son consulat général à Londres ! Ces ventes sont devenues parfois inévitables lorsqu’on a trop attendu pour engager les travaux nécessaires : je pense notamment à l’Institut wallon à Amsterdam.
Ces ventes suscitent toujours une vive opposition de la part des francophiles des pays concernés et elles sont un très mauvais signal pour l’image de la France à l’étranger.
Des solutions alternatives existent bien souvent. J’ai ainsi en tête l’exemple du Palazzo Lenzi, à Florence. Ce magnifique palais, attesté déjà en 1470 et qui abrite l’Institut français depuis 1908, était promis à une vente à la découpe en 2010. L’émoi suscité par ce projet a permis une reconsidération de la situation. En définitive, le Palais abrite toujours aujourd’hui l’Institut français et le consulat honoraire. Cependant, deux espaces loués du rez-de-chaussée accueillent des boutiques, dont une librairie française. Le troisième étage doit être également prochainement valorisé, par une vente ou une location. En outre, une médiathèque a été créée au rez-de-chaussée, bénéficiant ainsi d’un accès direct sur la rue, augmentant la visibilité de l’Institut.
En définitive, un réaménagement du Palais Lenzi a permis tout à la fois de tirer profit, sur le long terme, du bâtiment par une location partielle, tout en conservant un bien prestigieux et en valorisant la présence française à Florence.
Il me semble donc que la consultation préalable de la Commission nationale des cités et monuments historiques doit pouvoir pallier des ventes inconsidérées. »
Lors du passage de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, Mme le ministre a proposé un amendement (n°239 visible ici) visant à supprimer l’obligation prévue par le Sénat de consulter la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture avant toute vente d’un immeuble d’intérêt patrimonial de l’État situé à l’étranger. Pour une fois la majorité n'a pas suivi son ministre qui a dû retirer son amendement.
Pour la seconde lecture au Sénat du Projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine l'examen en commission de la Culture du rapport de Mme Françoise Férat et M. Jean-Pierre Leleux aura lieu le mercredi 11 mai, et la discussion en séance publique les 24, 25 et 26 mai 2016.