Jusqu'au au 18 janvier 2016, à travers l'exposition La Manufacture des Lumières. La sculpture à Sèvres de Louis XV à la Révolution, le musée de la Céramique de Sèvres témoigne de tout un pan de la production de la seconde moitié du XVIIIe siècle de la manufacture de porcelaine de cette ville, une des plus réputées à cette époque. Celle-ci invente le 'biscuit', vers 1752. Un tel événement dans le lieu même de la naissance de ce procédé est magique et précieux, d'autant plus que son histoire est révélée à travers de nombreux exemples d'époque, dont les premiers !
Un biscuit n'est pas seulement un gâteau, c'est aussi une porcelaine cuite non émaillée, ce qui permet de mieux apprécier la pureté de la terre utilisée tout en donnant une texture particulière rappelant du marbre. Les compositions sont le plus souvent moulées, nécessitant plusieurs moules, puis retravaillées afin de donner à l'ensemble une homogénéité et une finesse d'exécution incomparable. Tout le procédé de fabrication est décrit dans une vidéo et à travers des exemples d'époque, depuis ce qui a inspiré leur fabrication (dessins, gravures...) jusqu'à la finition, en passant par les modèles en terre cuite, les moules en plâtre, la sculpture...
Plus de quatre-vingts terres cuites et cent-vingt biscuits de porcelaine ainsi que d'autres documents originaux sont visibles. C'est un délice de les contempler, et de constater combien les techniques de fabrication de ces biscuits ont été conservées aujourd'hui dans la manufacture qui jouxte le musée et qui a produit pour l'occasion des exemples en vente pour quelques milliers d'euros tout de même.
Certaines des oeuvres de l'exposition ont été restaurées grâce à du mécénat. Pourtant il manque à beaucoup d'autres là un bras, là une main ou un autre élément. Il est vrai que la porcelaine est très fragile... mais je me demande pourquoi il n'est pas plus facile pour le musée de faire restaurer ces objets ayant la manufacture et les ouvriers à sa porte ?
Une autre chose m'est assez incompréhensible c'est la présence de nombreuses porcelaines contemporaines de Sèvres au milieu de l'imposante collection permanente. La dernière fois que je suis venu cela n'était pas là. On passait d'une époque à une autre. Tandis que maintenant le contemporain est partout avec cet esprit de bas étage qui le caractérise. Et puis cela est fait au détriment des objets séculaires que l'on a enlevés. Davantage d'oeuvres anciennes étaient autrefois exposées, dont certaines monumentales comme pour des exemples de Rouen du XVIIIe siècle. C'est dommage qu'elles aient été remplacées. Évidemment c'est important de montrer que la manufacture produit toujours et travaille avec des artistes contemporains. Seulement le choix des artistes est discutable... Et pourquoi tout mélanger ? Quelques clins d'oeil bien placés et moins lugubres étaient suffisants. Enfin ce n'est pas si grave que ça... sauf pour certains choix d'artistes qui franchement... enfin je préfère ne pas en parler.
Revenons à l'exposition temporaire. Celle-ci commence par présenter des statuettes de la manufacture royale de Vincennes qui précédait celle de Sèvres, de Meissen qui est à la source de la découverte du procédé de la fabrication de la porcelaine dure en Occident, ainsi que les premiers biscuits imaginés par Sèvres. Elle se poursuit par thèmes. On y retrouve le goût du XVIIIe siècle pour les putti (enfants), les scènes champêtres et pastorales, la fable, les allégories, les sujets littéraires, les oeuvres religieuses, les portraits, les représentations de grands hommes, la vie du temps. Même durant la décennie révolutionnaire la manufacture a produit de remarquables biscuits sur des thèmes tels que la Liberté, la Philosophie, la Raison, la Force, les Vertus publiques, la Vérité. Les biscuits du XVIIIe siècle servant de surtouts qui garnissaient la table des desserts et qui remplacèrent ceux fabriqués en sucre forment un autre thème.
Cette exposition temporaire est d'autant plus intéressante qu'il est rare qu'un tel événement se trouve près du lieu de fabrication des objets d'art présentés (la manufacture de porcelaines de Sèvres) et au milieu de toute l'histoire de la céramique du monde.
Cette porcelaine est une preuve que la terre, dont on parle tellement aujourd'hui du fait de la pollution, peut être travaillée avec finesse, et devenir dans les mains de l'homme un objets très précieux. Cela me rappelle la figure du Bouddha historique shakyamouni traditionnellement représenté prenant la terre à témoin (montrant la terre d'une main), ou le premier homme qui selon la Bible aurait été créé par Dieu qui l'aurait sculpté à son image à partir de la terre (le nom 'Adam' veut dire la terre, la glaise). Prendre soin de cette terre, de la terre, c'est prendre aussi soin de nous !
Première et seconde photographies : Pygmalion et Galatée par Étienne-Maurice Falconet (1716-1791). Biscuit de porcelaine dure de Sèvres de vers 1763-1774, de 71 × 44,5 × 32,5 cm (MNC 12814. © RMN-Grand Palais - Sèvres, Cité de la céramique / Martine Beck-Coppola). Pygmalion est selon la mythologie un sculpteur tombé amoureux de la statue (Galatée) qu'il a créée. Aphrodite donne vie à la sculpture. Ici l'artiste embrasse son oeuvre alors qu'elle vient juste de se métamorphoser en être de chair.
Photographie de droite : Jean de la Fontaine (1621-1695) par Pierre Julien (1731-1804). Terre cuite de 1784 de 42 × 23,5 × 33,5 cm (MNC 7966, © RMN-Grand Palais - Sèvres, Cité de la céramique / Martine Beck-Coppola).
Photographie ci-dessous : Les Nymphes à la coquille par Jean-Claude Duplessis avec la collaboration probable de Falconet, datant de vers 1761. Ce biscuit de porcelaine tendre fait 29,5 × 35,5 × 22,8 cm (MNC 2011.2.3 © RMN-Grand Palais (Sèvres, Cité de la céramique) / Martine Beck-Coppola).
Photographie ci-dessous : La Mélancolie et la Méditation. Modèle d'Étienne-Maurice Falconet (1716–1791) sous la direction de Boizot. Biscuits de porcelaine dure de Sèvres. Elles font à peur près 68 cm de haut sans leur socle (MNC 7732, © RMN-Grand Palais - Sèvres, Cité de la céramique / Martine Beck-Coppola).
Ci-après quelques photographies que j'ai prises.Photographies ci-dessous : À gauche le musée national de la céramique de Sèvres avec au-dessus la pavillon de Breteuil datant du XVIIe siècle et abritant depuis 1875 le Bureau international des poids et mesures qui se situe dans le parc de Saint-Cloud qui est un bel et grand endroit pour se promener. Par contre l'arrivée par la porte de Sèvres est loin d'être bucolique avec ses immeubles hideux et ses routes qui se croisent. À droite vue de la manufacture de Sèvres depuis le musée. Photographies ci-dessous : Moules et étapes de fabrication d'un biscuit d'Amour de Van Loo. Voilà donc comment on fabrique l'Amour !Photographies ci-dessous : La Liberté et l'Égalité de Louis-Simon Boizot. Modèle en plâtre de 1794.Photographie ci-dessous : Le Bain, sous la direction de Louis-Simon Boizot, vers 1800-1813.Photographie ci-dessous : Ceux qui ont suivi mon blog depuis ses débuts comprendront pourquoi ce biscuit est mon préféré ! Il s'agit d'une oeuvre de Josse Le Riche, de vers 1775-1799, intitulée La Toilette.