La nouvelle médiathèque parisienne Françoise Sagan a été inaugurée le 16 mai dernier. Elle accueille notamment le fonds Heure Joyeuse dédié à la jeunesse avec plus de 80.000 documents, dont le plus ancien est un abécédaire du XVIe siècle.
Comme le dit le dossier de presse, cette médiathèque « s’inscrit dans un lieu emblématique de l’histoire parisienne, le Carré Saint-Lazare, qui existe depuis le XIIe siècle ». L'enclos Saint-Lazare était le plus vaste de Paris, couvrant en 1789 plus de 52 hectares et plus encore auparavant. Il comprenait notamment où se trouvent aujourd'hui l'hôpital Lariboisière, la gare du Nord, l'église Saint-Vincent-de-Paul et la médiathèque qui elle est située au sud, à côté d'où était le bâtiment édifié au XVIIe siècle (sur des bases du XIIe siècle) par saint Vincent de Paul qui y créa en 1633, avec sainte Louise de Marillac, les filles de la Charité, de même que sans doute sa congrégation dont les prêtres furent appelés lazaristes. C'est dans ce même endroit (qui était aussi la maison mère de la congrégation) qu'il décéda en 1660. Une partie fut détruite afin de construire en 1834 une prison/infirmerie, qui est le lieu où se situe la médiathèque. C'est à l'architecte Louis-Pierre Baltard que fut confiée cette mission. Le reste des bâtiments furent détruits en 1935 pour notamment y faire un jardin. Le bâtiment de M. Baltard devint un hôpital qui ferma en 1998 avant d'avoir pris soin de déjà changer le lieu, notamment en détruisant des cryptes moyenâgeuses pour y construire un garage à voitures souterrain. Depuis la léproserie (un hôpital pour lépreux) du XIIe siècle jusqu'au XXe, on le voit les changements furent nombreux dans ce morceau sud, historique, de l'enclos Saint-Lazare.
Mais parlons du présent ! Il a été décidé il y a quelques années de se servir de la partie créée par M. Baltard en 1834 pour y installer une médiathèque, et de ne conserver de ce bâtiment classé 'monument historique' que les façades extérieures, un couloir de galerie de circulation et deux escaliers. Tout le reste a été détruit. Le bâtiment a été évidé en profondeur pour y mettre du neuf, du béton. De nos jours on ne se contente pas de reconstruire par-dessus l'ancien en gardant les fondations, on démolit aussi en dessous comme les sous-terrains qui communiquaient avec d'autres bâtiments peut-être depuis le Moyen-âge. Ils avaient été en partie comblés, mais étaient toujours présents. À la place ont été construites des galeries de béton modernes pour y entreposer les documents.
Aujourd'hui même les lieux classés 'monuments historiques' sont détruits, en faisant cependant attention de sauver les apparences : de garder les façades extérieures ! On appelle cela de la 'rénovation'. Ce n'est pas nouveau. On l'a vu avec la piscine Molitor et bien d'autres endroits dont j'ai parlé dans des articles de ce blog. Finalement ce qui reste semble-t-il de plus ancien au niveau du carré Saint-Lazare autour de la médiathèque ce sont les numéros 99, 101, 103 et 105 de la rue du Faubourg-Saint-Denis construits au début du XVIIIe siècle par les pères de la Mission saint Vincent de Paul afin de les louer à des séculiers. Aujourd'hui ce sont des immeubles d'habitation. Car d'autres bâtiments modernes ont été construits autour de la médiathèque comme récemment un gymnase.
La médiathèque parisienne Françoise Sagan est le nouveau lieu à placer dans nos bâtiments anciens détruits par ce que j'appelle 'l'architecture RER'. Contrairement à autrefois, on ne construit pas au-dessus mais supprime aussi les fondations. Les architectes modernes en vogue sont de véritables vandales. De plus, alors que les bâtiments anciens conservent et restituent le chaud ou le froid selon les besoins, la pierre et le bois étant des isolants naturels, le béton lui fait le contraire, et en période par exemple de grosses chaleurs sans climatisation (la climatisation est dorénavant interdite dans de tels lieux), c'est l'horreur. Finalement les architectes contemporains font sur nos monuments anciens ce que les guerres font en d'autres temps ou lieux, en y ajoutant le fait que leurs bombes d'idiotie détruisent jusqu'aux fondations, ne laissant que des ruines extérieures... voilà ce qu'on appelle de nos jours de la rénovation et parfois même de la restauration. Tout cela se passe avec l'aval de nos instances dirigeantes. Pendant qu'on donne aux archéologues quelques mètres carrés à gratter pour s'occuper, on efface au bulldozer et à la pelleteuse des monuments anciens tout en croyant sauver les apparences en gardant le volume extérieur.
Photographie de gauche : Vue de la cour que l'on découvre en entrant. C'est assez joli avec les palmiers. On a ici tout le volume du bâtiment du XIXe siècle et les façades. Le bâtiment a été construit par l'architecte Louis-Pierre Baltard (1764-1846) en prenant pour modèle un couvent italien. Du reste cette cour a un aspect très méditerranéen avec ses beaux palmiers.
Photographie de droite : Galerie de circulation dont les deux murs ont été conservés.
Photographie de gauche : Intérieur de la médiathèque.
Photographie de droite : Vue depuis la médiathèque d'un gymnase construit récemment.
Photographies ci-dessous : À gauche - J'ai trouvé cette photographie ici. Elle ne provient même pas des archives du lieu mais d'une carte postale en vente sur un site où je suis allé l'acheter pour 5 EUR (avec la même disposition du timbre, des tampons et de l’autographe : « Souvenir Lucie »). Elle représente « La Prison Saint-Lazare » située dans les bâtiments du XVIIe siècle de la maison mère de la congrégation de la Mission Saint-Lazare où s'installa par la suite l'hôpital Saint-Lazare avant d'être détruits en 1935. À droite - Le même endroit aujourd'hui.
Photographies ci-dessous : Évidement de l'édifice de Louis-Pierre Baltard de la première moitié du XIXe siècle. © Florence Morrisson.
Photographies ci-dessous : À gauche - Infirmerie vers 1900 (image prise ici). À droite - À peu près les mêmes pièces avant la destruction. Vers les années 70 on a dû faire disparaître les boiseries et d'autres éléments. Mais la structure était plus ou moins la même. Le parquet avait été recouvert mais était toujours présent sous le revêtement (même origine de l'image que précédemment).
Photographies ci-dessous : Voilà ce qu'il y a à la place maintenant.
Photographies ci-dessous : À gauche - Vue de la cour prise du toit. Le bâtiment de forme ronde est l'église (d'époque 1834) qui elle est restée non touchée en ce XXIe siècle mais avec ses changements XXe. À droite - Intérieur de l'église.
Photographies ci-dessous : À gauche - Escalier avant les travaux. © Daniel Lifermann. Au milieu - Escalier aujourd'hui. À droite - Au-dessous de l'escalier en allant vers le sous-sol. Toutes les fondations sont bétonnées.
Photographies ci-dessous : Sous-sol.
Photographies ci-dessous : À gauche - Vue du toit de la médiathèque des immeubles du XVIIIe siècle construits par les pères de la Mission saint Vincent de Paul . À droite - Ces immeubles vus du 105 de la rue du Faubourg-Saint-Denis.
Une petite exposition sur Françoise Sagan a lieu en ce moment à la médiathèque jusqu'en septembre. En voici quelques photographies :