Philosophie de l’élégance I

Merveilleuses et merveilleux

Dans les prochains articles du lundi de ce blog, je vais traiter de préceptes d’élégance à travers notamment quelques notions philosophiques surtout antiques… classiques dirons-nous…

Les théories qui viennent de l’esprit humain, par définition borné, ne collent pas toujours à la pratique, et jamais de façon permanente. Cependant, celles qui fonctionnaient autrefois et continuent de le faire aujourd’hui, méritent davantage notre attention que des préceptes modernes qui nous semblent bancals. Si je puise beaucoup dans le passé, c’est que j’y découvre ce que je ne trouve pas chez nos contemporains, non seulement une certaine pérennité et de la profondeur, mais aussi une élégance.

En élégance, le plus important est d’abord le soin que l’on porte à l’esprit : un esprit sain dans un corps sain (mens sana in corpore sano). Il est bien supérieur d’avoir un bel esprit avec une vilaine apparence, qu’un vilain esprit dans une belle apparence. Il est important de savoir créer une ‘ambiance’ paisible et lumineuse, belle et chaleureuse, gaie et splendide… d’une splendeur simple comme le ciel, chaleureuse comme le chaud soleil d’été modéré par une douce brise, remplie de magie, comme l’âme baignée par le clair de lune, lumineuse comme les rayons de cet astre diurne en hiver, non entravés… libres… Pour cela, l’âme doit être belle et bonne, et l’esprit non entravé, notamment par les déchets produits par une âme malade.

L’EUTHYMIE. Démocrite, philosophe grec du Ve – IVe siècles av. J.-C., appelle « euthymie » (εὐθυμία) le bonheur d’une âme en paix emprunte de l’amour de la sagesse. Ce mot vient du grec eu (ευ), bien, heureusement, et thimós (θῡμός), âme, cœur. En parlant de Démocrite, Diogène Laërce décrit cet état : « la fin de nos actions est la tranquillité d’esprit, non celle qu’on peut confondre avec la volupté, comme quelques-uns l’ont mal compris ; mais celle qui met l’âme dans un état de parfait repos ; de manière que, constamment satisfaite, elle n’est troublée, ni par la crainte, ni par la superstition, ou par quelque autre passion que ce soit. Cet état, il le nomme la vraie situation de l’âme, et le distingue sous d’autres différents noms. » (Source). Dans une autre traduction, il est dit « bonne humeur » En français, le terme « humeur » vient du latin umor, liquide. En médecine, une humeur est une substance liquide produite par un organisme vivant. Les humeurs cardinales que sont le sang, le flegme, la bile et la mélancolie (ou atrabile) influencent aussi nos comportements, nos humeurs psychiques : tempéraments sanguins, flegmatiques, bilieux ou mélancoliques. L’équilibre des humeurs est à la base de la bonne santé, et il sera question de l’équilibre et de l’harmonie dans un prochain article.

L’ATARAXIE. D’autres philosophes, comme Épicure et Pyrrhon, nomment « ataraxie » le bonheur d’une âme en paix induit par la tranquillité. Le philosophe pyrrhonien Timon écrit : « Apprends-moi, Pyrrhon, donne-moi à connaître quelle est cette vie aisée, cette vie tranquille dont tu jouis avec joie, cette vie enfin qui te fait seul goûter sur la terre une félicité semblable à celle d’un dieu entre les hommes. » (Source). Chez les Pyrrhonistes, cette absence de troubles, ataraxie, vient naturellement de la suspension du jugement (ἐποχή, epokhê). Pour les Épicuriens, elle résulte des plaisirs nécessaires et naturels venant d’une vie bonne et juste, libérée de l’idée de manque : « Le juste est celui de tous les hommes qui vit sans trouble et sans désordre » (Source).

LA DISTINCTION. Une âme élégante ne cherche pas à persuader. Elle sait distinguer sans se distinguer. Croire que l’on est sage n’est de toutes les façons ni une preuve ni un signe de sagesse. C’est pour cela que l’élégance peut paraître pour certains futile, car elle ne cherche aucunement à remplacer le miroir et encore moins à figer le mouvement de ses reflets. Elle se contente de voir, de distinguer sans juger afin d’agir au mieux et en ‘pleine’ conscience. Une personne distinguée est un individu qui sait distinguer pour le mieux, qui a l’intelligence du moment, de la situation, sans chercher à en profiter, mais en la goûtant pleinement. C’est sans doute cela que l’on appelle, la Neglegentia diligens, c’est-à-dire une conscience aiguë, une vue aiguisée… pointue… couplée à une relaxation complète… un calme olympien…

Photographie : Image provenant du même almanach, de 1779, que celui présenté dans l'article précédent.

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