Hautes coiffures féminines de 1778

Les Petits-maîtres de la Mode

Dans un almanach de 1778, se trouve la gravure présentée ici. Celle-ci, bien que n’étant pas d’une grande qualité de réalisation, est très intéressante, ainsi que le texte de l’article qu’elle illustre.

L’estampe a pour légende : « Deux Représentations aussi curieuses que remarquables particulièrement pour le Beau-Sexe adonné à la Mode ». On y voit une dame à sa fenêtre enlevant sa perruque d’une main, et d’autres réunies dans un salon, portant des coiffures en forme de paon, de cygne, de renard, de lion, de tigre, une reproduisant une bataille navale (ou un port) et une autre une ville fortifiée.

Les Petits-maîtres de la Mode

L’article est intitulé : « Description remarquable d’un habile Coiffeur de Sibérie & des Coiffures très curieuses qu’il exécute. » Il commence par la transcription d'une traduction d’une lettre qui viendrait de Saint-Pétersbourg en Russie, où un coiffeur sibérien se serait installé avec sa femme. Les usages qui y sont décrits sont ceux qui sont inventés et se pratiquent alors en France, en particulier à Paris. Ce coiffeur est dépeint comme un artiste rejetant « entièrement l’usage des épingles, des coussins de cheveux & de la poudre ». « Au lieu de graisse humaine [sans doute est-ce une faute, et faut-il lire : « graisse animale »] ou d’autres onguents pour faire croître les cheveux, il emploie les plantes aromatiques avec beaucoup de succès. Ses coiffures surpassent toutes les autres, & font naître une admiration qui va jusqu’à l’étonnement ; car il métamorphose la Tête des Dames à leur fantaisie, en celle d’un lion, d’un loup, d’un tigre ou d’un renard […] Ce n’est pas tout, outre les figures de ces animaux, une tête prend encore sous ses mains ingénieuses la forme d’une forêt, d’une ville avec ses murailles & leurs meurtrières, d’un port avec des vaisseaux, &c. Il possède aussi le secret de donner aux cheveux la couleur qu’on désire […] il change les cheveux, suivant la mode en brun, en cramoisi, en vert, &c. » Il est dit que ce coiffeur invente une machine empêchant les hautes coiffures d’être dérangées pendant la nuit, et qu’il a l’art d’allonger les cheveux avec l’aide « de petits tubes délicats dans lesquels il introduit des cheveux faux, & qu’il adapte & affermit si artistiquement avec une colle subtile qu’on ne peut les distinguer avec les naturels ; par le moyen de cette invention ingénieuse les dames peuvent élever sur leurs têtes des édifices de 3, 4, 5 pieds et plus ». Un pied représentant alors autour de 30 cm, la mesure de cinq pieds correspond à peu près à 1,50 m ! Afin que les petites dames ne soient pas désavantagées, il aurait même inventé des échasses (sans doute des sortes de patins, voir articles sur le sujet dans mon blog) pour celles-ci « qui s’adaptent d’une manière si délicate qu’on ne peut les distinguer d’avec les pieds naturels, & qu’on s’en sert aussi commodément que de ceux-ci, si ce n’est qu’elles font un peu chanceler en marchant, manière de marcher qui commence à devenir à la mode parmi les dames à sentiment. » Cet article se poursuit en nous apprenant que « la femme de cet artiste » réalise des coiffes à « ressorts, afin que lorsque les dames descendent de voiture, elles puissent recouvrer la hauteur de leur coiffure. » Elle remplace aussi les « modernes ornements de fleurs » par des plantes aromatiques, etc. Au XVIIIe siècle, les coiffeurs sont considérés comme des « artistes en cheveux ». Là aussi, j'ai beaucoup écrit sur ce sujet dans mon blog.

Les Petits-maîtres de la Mode

En complément de cette lettre, l’article se poursuit en faisant état d’un « accident fâcheux » arrivé à une dame de Londres, s’étant mise à une fenêtre à laquelle sa « coiffure à la mode » s’accrocha : « La dame un peu déconcertée voulut se retirer ; mais elle l’essaya en vain, & malgré tous ses efforts, elle fut obligée de rester quelque temps dans cette posture ridicule, au grand divertissement des spectateurs. Un clou qui était au haut de la fenêtre & par-dehors, s’accrocha tellement au fil d’archal de la frisure, qu’il lui fut impossible de se débarrasser. Enfin à force de se débattre, elle retira sa tête seulement, laissant à sa grande honte, cet énorme édifice de frisure suspendu au clou de la fenêtre comme un monument de son goût extravagant pour la mode. »

Les Petits-maîtres de la Mode
On trouvera quelques autres exemples de coiffures féminines de la même époque dans les articles suivants ainsi que d’autres de ce blog : Les Macaronis, Coiffure en « échelle de boucles », Coiffures à la mode entre 1788 et 1790, Deux coiffures du XVIIIe siècle, etc.
Merveilleuses & merveilleux